Le problème avec “Les 5 blessures qui empêchent d’être soi”

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« Les 5 blessures qui empêchent d’être soi ».
Le titre avait suffi à me faire réagir.
Une blessure nous empêche-t-elle vraiment d’être nous-mêmes ?
N’est-elle pas plutôt, au même titre que nos talents et compétences développées, constitutive de notre personnalité ? Notre être n’est-il pas précisément, entre autre, le fruit de nos blessures ?

« Ce livre a changé la vie d’un million de lecteurs », disait le bandeau.
Changer sa vie en moins de 300 pages, en voilà un argument qui titille ma curiosité, suffisamment pour me pousser à débourser, moi aussi, 7,60€ ; de quoi me faire ma propre idée de ce qui se présente comme une baguette magique de poche.
Je ne regrette pas de l’avoir fait. Pas parce que j’y ai découvert le secret du bonheur et de la joie intérieure, mais parce qu’aujourd’hui, je peux écrire cet article en toute honnêteté intellectuelle et vous expliquer pourquoi j’ai détesté les 5 blessures qui empêchent d’être soi-même, et dans quelle mesure je trouve ce pseudo ouvrage profondément dangereux.

Sommaire

Le résumé des 5 blessures qui empêchent d’être soi-même

De quoi s’agit-il ?

Selon Lise Bourbeau (LB), l’auteur, dans nos six premières années de vie, des phases douloureuses de notre relation à nos parents nous laisseraient des marques, appelées « blessures ». Celles-ci seraient au nombre de cinq.
Notre ego nous pousserait à utiliser des « masques », chacun correspondant à une blessure, dont le but serait de nous cacher à nous-mêmes que nous souffrons. Nous serions ainsi fuyant, dépendant, masochiste, contrôlant ou rigide, suivant que nous ayons la/les blessure(s) respective(s) de rejet, d’abandon, d’humiliation, de trahison et/ou d’injustice.
Mais d’après LB,  cette stratégie des masques serait vaine, voire dangereuse, puisque les porter nous pousserait à revivre ce que nous craignons le plus et à l’imposer aux autres.
Ainsi, pour l’auteur, qui croit à la réincarnation, notre existence aurait un sens absolu : guérir définitivement des blessures que l’on traîne depuis plusieurs vies.
Pour ce faire, entre autres, nous choisirions avant notre naissance notre famille d’accueil, une famille ayant elle-même vécu ces blessures, afin que, nous y confrontant, nous puissions enfin nous en libérer.

Le contenu du livre

Dès les premières pages, LB ne manque pas de remercier Freud, entre autres noms connus des sciences humaines, pour ses travaux sur la psychologie. C’est sur lui et ses confrères qu’elle baserait, en partie, ses « recherches ».
Mais de quelles « recherches » s’agit-il, précisément ? Nous ne le saurons jamais.
Quels protocoles LB a-t-elle utilisés pour valider ses théories, quelles expériences a-t-elle menées pour légitimer les hypothèses qu’elle admet avoir fondé sur sa propre observation, subjective, du monde ? Dans quels ouvrages s’est-elle plongée pour étayer ses propos ?
Elle n’en dit rien.

Dans son livre, vous ne trouverez aucune citation de Freud et cie, pas un seul apport théorique, pas une seule étude quantifiable et fiable. Vous ne verrez ni notes en bas de page, ni renvois externes ; vous ne trouverez pas non plus de bibliographie en fin de livre, et ne pourrez donc pas prendre connaissance des ouvrages reconnus ayant servis à la rédaction de celui-ci. Vous ne pourrez donc pas non plus développer votre esprit critique ou votre connaissance du sujet en vous plongeant librement dans les écrits de ceux qui l’ont précédée et qu’elle a pourtant cités en référence.

Ce que vous trouverez, en revanche, sont des affirmations basées sur une idéologie spirituelle (New-Age) qu’elle n’aura jamais égard de mentionner. Par exemple, vous pourrez lire que « nous sommes DIEU (…) et que notre DIEU intérieur est omniscient, omniprésent et omnipotent ». Vous pourrez aussi lire qu’” Avant de naître, nous décidons de ce que nous voulons venir régler durant cette prochaine réincarnation », affirmation donnant tout son sens au développement futur de l’auteur sur la question des blessures qui, dès lors, rend son ouvrage obsolète pour ceux qui ne croient pas à la réincarnation, ou qui cherchent un écrit scientifique.
Vous trouverez également le développement écrit et schématisé des 5 morphotypes et caractères, correspondant aux 5 blessures évoquées. Vous lirez, par exemple, qu’une personne souffrant d’une blessure d’injustice, qualifiée de « rigide » par LB, a souvent « de belles fesses rondes », “des yeux brillants et vivants, serait perfectionniste, trop optimiste mais colérique, tomberait rarement malade, danserait très bien, préfèrerait manger salé plutôt que sucré, …”

Enfin, vous y trouverez, pour seul argument de preuve, les récits de ses rencontres personnelles abondant dans le sens de ses théories.

Pourquoi un tel succès ?

L’effet Barnum
L’effet Barnum est surtout connu pour expliquer l’engouement vis-à-vis des horoscopes.
Il s’agit d’un biais cognitif qui pousse un individu à interpréter personnellement une description universelle.
Celui-ci a été théorisé puis testé par le psychologue Bertram Forer, avant d’être repris par d’autres de ses confrères comme Dickson et Kelly ou Henri Broch ; selon eux, cet effet s’applique dans le cadre des  pseudos-sciences comme la graphologie, la numérologie, l’astrologie, ou encore les nombreuses typologies présentant des types de personnalités.

L’effet Barnum repose sur deux mécanismes du cerveau : l’identification et le rejet du flou.
Le cerveau a horreur des concepts vagues et abstraits, il ne les intègre pas, et pour esquiver leur « vide » théorique les comble en y projetant ses propres expériences.

Ainsi, plus que par la science ou des études sérieuses et quantifiables sur le sujet, c’est sur l’effet Barnum que repose la totalité du livre “les 5 blessures qui empêchent d’être soi-même”.
De même que dans un horoscope, LB y communique un portrait faussement nuancé donnant une impression générale de précision, mais n’exprimant en réalité que de vagues traits de caractère, puis laisse au cerveau du lecteur le soin d’individualiser le message puis de le personnifier en y projetant ses croyances et désirs avant de l’intégrer comme sien.
C’est pourquoi les descriptions proposées, mélangeant des caractéristiques physiques et morales communes et passe-partout, permettent à chacun de se reconnaître dans une – voire- toutes les blessures, et/ou de valider celle(s) qu’il pense avoir.

Un marketing bien rodé
User de l’effet Barnum est un gage de succès ; il s’alimente du besoin viscéral des individus d’être rassurés, de trouver du sens et des réponses à leurs questions.
Savoir quels leviers activer pour vendre est la question essentielle en marketing : de quoi rêvent les gens qu’on adresse ?
En l’occurrence, de quoi rêvent les occidentaux modernes, suffisamment aisés pour s’intéresser au développement personnel, baignés dans une société anxiogène et incertaine ?
La réponse à cette question se matérialise dans le livre de LB : ils rêvent de trouver le pourquoi d’un mal-être qu’ils n’arrivent pas à définir, de le guérir en un coup de baguette magique et d’atteindre enfin la plénitude et la joie promises par le développement personnel.

C’est ainsi que “les 5 blessures qui empêchent d’être soi-même”, présenté comme « révolutionnaire », repose sur de nombreux leviers marketing, à défaut de faits scientifiques ou, tout du moins, d’études ou théories crédibles et sérieuses.
Premier argument commercial, le recours à la preuve sociale : « ce livre a changé la vie d’un million de lecteurs », c’est écrit sur le bandeau. Le second arrive bien vite, dès la préface à vrai-dire, où LB remercie Freud, sur qui elle dit avoir basé ses « recherches ». C’est la preuve d’autorité ; chaque foule a son leader, son expert, et le marketing sait bien que les adeptes de développement personnel ne resteront pas insensibles à la mention du père de la psychanalyse. L’enfumage se confirme lorsque LB explique, dans la foulée, qu’elle ne prétend pas détenir la vérité absolue et que nous sommes libres de ne pas adhérer à ses propos ; une fausse humilité bien connue des techniques manipulatoires, façon d’anticiper toute critique rationnelle en appelant au droit de chacun d’exprimer sa propre vérité, comme si la vérité était subjective et dépendait plus du bon vouloir de chacun que d’un réel objectif et absolu.

Dès la deuxième page de son livre, LB ne manque pas l’occasion de faire son auto-promotion en évoquant ses ouvrages précédents, les présentant comme indispensables pour comprendre celui-ci. D’une pierre deux coups, elle balance le nom de sa maison d’édition et du centre de relation d’aide qu’elle a fondé faisant partie, soit dit en passant, de la liste noire des sectes établies par la Miviludes.
Marketing un jour, marketing toujours, LB explique donc au lecteur qu’elle continuera de le tutoyer, une autre technique bien connue pour créer une pseudo relation d’affect annihilant l’esprit critique, mettre le lecteur en confiance et, plus gênant, l’infantiliser.

Plus dangereux qu’il n’y paraît

Jusques là, rien de grave, me direz-vous.
Fondamentalement, il n’est pas mal de recourir au marketing pour se faire une place sur le marché. Mieux : nous savons qu’à notre époque, c’est indispensable pour s’assurer une visibilité. Infantiliser le lecteur n’est pas dramatique, et quoi de plus naturel que de promouvoir l’ensemble de son travail ?
Là-dessus, nous sommes d’accord.
Mais ce livre est dangereux pour d’autres raisons, que je souhaite développer en 2 points :

1. Une fausse autorité
LB témoigne d’une volonté évidente de laisser croire au lecteur que cet ouvrage est sérieux et digne d’autorité. S’il est vrai qu’elle écrit qu’« il n’y a aucune preuve scientifique à ce qui est avancé dans ce livre », une façon de se dédouaner une fois pour toutes des accusations qui pourront lui être faites par la suite, elle ne se prive pas de citer plusieurs fois des noms d’experts, d’étayer certains de ses propos en disant que « même les psychologues et les scientifiques » les valident.
Ainsi, si LB capitule face au poids de la science en s’avouant d’entrée hors sujet, elle ne se prive pas de recourir fréquemment à tout ce qui, dans l’imaginaire du lecteur, fera de son livre un bouquin de psychologie, dans l’acabit de Freud et consorts qu’elle prend humblement la peine de remercier pour « leurs recherches » qu’elle associe aux siennes, se faisant ainsi leur égal.
Elle cite donc des noms, utilise un champ lexical lié au domaine scientifique, s’en réfère à des concepts psychologiques admis par tous (l’inconscient et la somatisation) et prend bien soin de ne jamais, ô grand jamais, mentionner la morphopsychologie, sur laquelle repose pourtant l’intégralité de son bouquin, mais qui n’a jamais été validé par quiconque et fait l’objet de nombreuses controverses, risquanc dont de décrédibiliser son écrit.

2. Culpabilisation et limitation
LB base tout son développement des cinq blessures sur une théorie : nous naissons dans une famille que nous avons choisi avant de nous incarner, afin d’abonder dans le seul et unique sens de notre vie, guérir les blessures héritées d’une vie antérieure.
Ainsi, certaines âmes seraient plus malignes en choisissant une riche famille d’occident tandis que d’autres éliraient un pays ravagé par la guerre et la pauvreté. Certaines âmes seraient plus masochistes que d’autres en choisissant un père incestueux et une mère aux comportements addictifs.
Deux possibilités, donc :
1. La théorie de base de LB est plausible, crédible, voire même, juste, auquel cas, les victimes d’immondices n’ont qu’une solution, s’en prendre à elle-mêmes, étant les premières responsables de leur drame car ayant choisi volontairement cette famille et n’ayant d’autre devoir que de se soumettre à leur choix extra-terrestre, guérir, et se taire.
2. La théorie de base de LB est peu plausible, peu crédible, voire même fausse, auquel cas l’ensemble de son développement est questionnable.

C’est dramatique, donc, pour les lecteurs de catégorie une, qui accorderont crédit aux propos de Madame Bourbeau, culpabilisante au possible.

De plus, cette dernière présente l’ensemble des 5 profils à travers des descriptions psychologiques, physiques et comportementales, une vision dangereuse puisqu’elle limite l’Homme à son corps, qu’il n’a pas toujours choisi. LB emprisonne ainsi chaque individu dans ses blessures, comme si elles seules le définissaient, ayant façonné non seulement son caractère et son physique, mais également ses futures maladies. Car en effet, selon les profils, elle explique au lecteur quelle maladie, il risque de développer (s’il ne se soigne pas avec ses méthodes de développement personnel, bien sûr). Par exemple, pour LB, une victime de rejet risque de développer un cancer.  Outre le fait qu’elle biaise le concept de psychosomatisation (reconnu en médecine, en psychologie et en psychiatrie), imaginez comme il est culpabilisant pour « le parent qui inflige la blessure » de se dire qu’il est probablement à l’origine du cancer de son enfant !

Non contente de responsabiliser les individus pour des maux sur lesquels ils n’ont pas de prise, elle engage  à porter des jugements hâtifs sur les inconnus, notamment lorsqu’elle évoque ses “expériences”, celles-là mêmes qui valident son bouquin, comme celle où, dans un restaurant, en à peine un coup d’œil au serveur, elle fût capable d’identifier de quelle blessure il souffrait, déterminant ainsi sa personnalité, ce qui ne va pas chez lui etc.

Enfin, LB conclu son livre sur cette affirmation : « La création de nos masques exprime la plus grande trahison entre toutes, celle d’avoir oublié que nous sommes DIEU. Voilà pourquoi l’acrostiche des cinq blessures arrive au mot TRAHI. » Ainsi, chacun de nous est coupable de ses souffrances, car chacun de nous s’est TRAHI en oubliant qu’il est dieu.
Je passerai sur le « voilà », supposé établir un lien causal entre les deux propositions, mais qui, après plusieurs lectures, continue de ne faire aucun sens pour moi ; je passerai aussi, pour le moment, sur l’affirmation selon laquelle « nous sommes dieu », pour conclure sur le charmant acrostiche proposé par l’auteur : TRAHI. Voici son mot de la fin.  La bienveillance et l’encouragement selon LB !

Mon commentaire personnel

Dans les lignes ci-dessus, si j’admets n’avoir pu m’empêcher de laisser transparaître mon mépris pour cet ouvrage à travers mon vocabulaire, j’ai essayé, toutefois, de rester le plus factuelle possible.

Dans les lignes qui vont suivre, je vais donc me permettre d’avancer mon avis personnel, de dire, sans détour, ce que j’ai pensé de ce livre.

Avant toute chose, je tiens à préciser qu’en théorie, je ne suis pas contre l’idée. Il me paraît évident que nous héritons de certaines blessures de l’enfance : je trouve le sujet intéressant. Je n’ai pas non plus de souci particulier avec la catégorisation d’individus en différents types. J’apprécie certains outils de catégorisation de la personnalité, car je trouve qu’ils se fondent sur des postulats crédibles et pertinents, et que leur développement n’enferme pas les individus dans des cases ni n’étouffe leur singularité.

Maintenant que c’est dit ; commençons !

Tout d’abord, ma lecture a été éprouvante.
Le style est indigeste et le tutoiement du lecteur m’a été très désagréable. Bon, passe encore ; la stylistique n’est pas l’objet de ce livre, et je peux le comprendre. En revanche, les nombreux copier-coller que l’auteur s’est permis de faire m’ont paru profondément irrespectueux. Recopier de chapitre en chapitre des pans entiers de ce qui est écrit quelques pages, voire, quelques lignes plus tôt (quand ce n’est pas des pages entières d’un précédent ouvrage) est un manque d’égard envers le lecteur. Elle aurait, tout du moins, pu opter pour l’option de la paraphrase.

Le premier paragraphe commence mal pour moi.  LB avance une affirmation avec laquelle je suis en parfait désaccord : elle explique qu’un enfant « sait » pourquoi il s’incarne (avant de le faire, soit une conscience pré-terrestre), choisi sa famille et l’environnement dans lequel il naît, et a pour seul et unique sens à sa vie de soigner les blessures de ses vies précédentes. Je ne crois pas à la réincarnation, je suis adepte de la philosophie classique : je crois qu’un être humain est l’union substantielle d’un corps et d’une âme, et que l’âme n’existe que pour être incarnée dans un corps spécifique. Ma personne, c’est moi, corps et âme. Et si ce n’est pas mon corps, alors ce n’est plus ma personne : mon âme n’a rien à y faire.

Ainsi, tout le développement qui s’annonce repose sur une idéologie à laquelle je n’adhère pas, pas plus qu’au mouvement New-Âge sur lequel il repose. Soit, tout ça est très personnel.

Mais ce qui est plus général, et me dérange donc au-delà de mes propres croyances, c’est qu’avec ses affirmations, LB bascule dans l’ésotérisme, et l’ésotérisme n’a pas sa place en psychologie. Soit elle veut citer Freud, auquel cas elle s’en tient au cadre théorique de sa discipline, soit elle veut partager ses thèses ésotériques, auquel cas elle produit un ouvrage qui se présente comme tel. Mais proposer au lecteur une espèce de mélange de concepts morpho-psychologiques saupoudrée de mysticisme en le présentant comme un ouvrage sérieux me gène profondément. Son manque de rigueur est criant, elle multiplie les contre-sens et les raccourcis sortis de son imagination pour faire de l’être humain un pantin assujetti à un destin mystique attendant sa prochaine réincarnation afin d’accepter ce qu’il vit, en lisant -magie !-, ses ouvrages.
De plus, LB s’emmêle les pinceaux dans les concepts qu’elle prend la liberté de définir : elle affirme que c’est l’âme d’un individu qui choisit dans quelle famille celui-ci s’incarnera. Plus loin, elle distingue le « dieu intérieur » de « l’âme » en disant que « c’est seulement lorsque nos corps mental, émotionnel et physique seront à l’écoute de notre dieu intérieur que notre âme sera totalement heureuse ». Puis elle affirme que « Avant même de naître, ton dieu intérieur attire ton âme vers l’environnement et la famille (…) ».

Alors, je m’interroge, Lise, qui choisit, finalement, l’âme, ou le dieu intérieur ?

LB semble avoir de nombreuses lacunes sur les concepts ; elle paraît ignorer que l’âme en elle-même n’a pas la capacité de réflexion, puisque l’âme est « le principe qui anime la matière » ; c’est l’esprit, une “caractéristique” de l’âme humaine, qui permet la raison.
Mais bref, pardonnons-lui, n’est pas philosophe qui veut.

Là où je ne l’excuse pas, c’est la malhonnêteté intellectuelle dont elle fait preuve, qui me laisse penser que son dessein l’est tout autant.
Elle ose prétendre son analyse précise sans communiquer d’autre preuve que sa propre expérience pour légitimer ses propos. N’importe qui peut écrire un livre, je l’ai moi-même fait. Je ne suis pas une scientifique, je ne suis pas psychologue ni philosophe, je ne possède aucun titre : je ne présente pas mon ouvrage comme autre chose que l’écrit de quelqu’un qui avait des choses à dire.
Pourquoi LB cherche-t-elle tant à donner à son livre l’apparence de ce qu’il n’est pas ? Et si ce n’est malhonnête, qu’est-ce donc ? J’ai la sensation insupportable qu’elle exploite le désespoir des individus.

De nouveau, plus personnel : j’admets trouver ces histoires de morphologie absurdes, voire grotesques.
Une personne victime d’humiliation serait « grosse » avec « une taille courte » et « de grands yeux ronds et ouverts ».
S’il est (évidemment) compréhensible que certaines personnes utilisent la nourriture pour éteindre un mal-être émotionnel, et que pour celles-ci, le surpoids peut dévoiler des carences, clamer haut et fort que nos blessures intimes façonnent notre corps, c’est ignorer le réel ! Car non, selon LB, ce n’est pas des troubles alimentaires, des accidents de la vie, un travail musculaire ou la génétique, entre autres, qui façonnent le corps des individus, mais une blessure héritée d’une vie précédente.
Ça n’a absolument aucun sens.

La qualité de ses descriptions a été déplorée précédemment, mais ce que je peux y ajouter est que LB, qui se veut gourou de développement personnel, témoigne d’une méconnaissance monstrueuse de la psychologie humaine. Ou, plus accusatoire, démontre un sens aigu des affaires et de la manipulation en utilisant les prérogatives de l’esprit humain pour s’en servir à des fins lucratives. Car il est un fait que nous avons tous une approche biaisée du réel, que nous interprétons subjectivement. Ce que nous avons vécu par le passé, et qui s’est stocké dans notre mémoire, fait donc l’objet de relectures différentes suivant les différents stades de nos vies, voir états d’esprits ponctuels. LB ignore -ou sait parfaitement- que chaque lecture de ses morphotypes trouveront les échos différemment en nous suivant le poids que l’on voudra donner à un événement de notre vie et la blessure qu’elle décrit. L’effet barnum poussé à son maximum.

Et enfin, parlons des conclusions logiques que ceux qui croiront à la théorie de Madame B tireront, même inconsciemment : nous sommes responsables des blessures qui nous sont infligées.
Quelle hérésie ! Quel ouvrage culpabilisant, négatif et sombre pour les personnes les plus vulnérables psychologiquement !

Le but de la vie n’est pas de guérir de nos blessures passées.

Le but de nos vies n’est pas de s’immerger dans le mal pour réparer le mal.

Le but de notre vie est d’exercer la liberté dont chacun jouissions, et qui elle est factuelle, afin de lui donner le sens que nous volons, à partir de ce que la vie nous donne.

Nous avons des torts, notre entourage aussi ; personne n’est parfait. Tout le monde blesse, et tout le monde se blesse.
Cessons de vouloir recourir à la facilité, faisant de nous-mêmes des proies faciles pour les charlatans qui souhaitent inonder leurs caisses. Aucune baguette magique ne soigne les maux de l’esprit ; aucune recette de cuisine ne peut transformer notre intérieur en quelques semaines. C’est la discipline, la persévérance, la vertu, l’effort, l’expérience, l’échange, l’ouverture, la volonté : ce sont ces choses dont nous disposons, ces ressources que nous pouvons mobiliser pour aller mieux.
Et n’oublions jamais que nos blessures ne nous empêchent pas d’être qui nous sommes ; beaucoup de nos qualités leur sont dues. Cessons de rejeter le réel parce qu’il n’est pas idéal, et embrassons l’imperfection de nos vies (et jetons le livre de LB à la poubelle).

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