Le bonheur, un état d’esprit qui se cultive.

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Le bonheur. On lui court après. Dans nos soirées entre amis, dans les biens matériels que l’on cumule, dans les relations que l’on noue, dans les émotions fortes que l’on vit. On le cherche dans le divertissement, on trompe l’ennui un temps, la tristesse ou la souffrance. Mais malgré tous nos efforts, ce bonheur semble toujours insaisissable, à peine l’effleure-t-on que déjà, il se dérobe.

Et si, tout ce temps, nous avions faux ?
Et si le bonheur n’était pas la somme des plaisirs, mais un état constant, une disposition intérieure ?
Et si le siège du bonheur était l’esprit ; une joie naturelle qui y naît et irrigue le corps entier, et non pas un sentiment qui s’alimente de choses éphémères ?

Les trois clés du bonheur

#1 Vivre dans le présent

La mesure de la temporalité est une création psychologique : passé, présent et futur n’existent qu’en rapport mouvement. Seul l’homme raisonné vit dans cette temporalité, les animaux et les enfants en bas-âge ignorent le temps qui passe. Nous passons ainsi nos vies à faire des allers-retours entre deux temps principaux : l’avant et l’après mouvement, c’est-à-dire, le passé et le futur.

 Un passé, qui n’existe plus et un futur, qui n’existe pas encore.

Absurde, n’est-ce pas ? Car être heureux, c’est vivre. Et vivre n’est possible qu’au présent.

Aussi faut-il voir le passé pour ce qu’il est : un temps revoulu, qui a apporté son lot de souffrances ou de joies, d’enseignements, d’expériences. L’appréhender pour ce qu’il est : une réalité qu’on ne peut plus changer. Et accepter ce passé, quel qu’il soit, n’est pas seulement essentiel, c’est la seule chose raisonnable à faire. Il ne s’agit pas de le « valider moralement » si des choses terribles s’y sont produites, mais d’accepter qu’elles fassent partie de notre histoire personnelle et qu’aucune nostalgie, aucune rumination ni dégoût n’y changera rien. Cette acceptation est le seul mouvement inscrit dans le présent ; elle ancre dans le réel et permet l’action.

Pour autant, il ne faut pas se soucier du futur, un réflexe humain certes, mais une énergie dépensée… pour rien. Il ne s’agit pas de n’avoir aucun désir, aucune ambition, mais d’aborder les choses avec sérénité, de semer au présent les fruits que l’avenir portera. Car qui, parmi nous, peut s’éviter des peines ou s’ajouter des joies et se souciant du lendemain ? Laissons le futur où il est : dans l’inexistence. Il s’occupera de lui-même. À chaque jour suffit sa peine.
D’autant qu’il y a, dans notre obsession de l’avenir et notre inquiétude, un vice insoupçonné : l’orgueil.  Si une situation future nous inquiète, alors nous pouvons prendre des mesures au présent pour nous préparer. Mais le reste ne dépend pas de nous ; s’inquiéter est donc une surestime de nous-mêmes : penser que l’on a du contrôle au-delà de nos actions, que nous maîtrisons des choses qui sont hors de notre portée quand en réalité, nous sommes bien limités.

#2 Rechercher la vérité

La vérité est le rapport qu’on entretien avec réel : est vrai ce que notre intelligence identifie conformément à la réalité. C’est dans cette vérité qu’il faut puiser le bonheur, loin de nos fantasmes, de nos illusions et des mensonges qu’on se raconte à soi-même, ou qu’on accepte d’entendre. Le bonheur, c’est réussir à regarder la vie et sa propre personne en face, et d’être en paix avec ce que l’on voit

C’est cultiver la certitude que notre dignité se trouve dans ce que l’on est, pas dans ce que l’on a.

Nous sommes des êtres complexes ; notre vie intérieure est une lutte permanente. 
Nous sommes si grands, si petits à la fois. Si capables, et pourtant si limités. Pleins de ressources, et pourtant si pauvres. Une grande dualité nous anime : c’est elle, la plus grande source de notre malheur. Le décalage entre notre être profond, et la personnalité sociale que l’on revêt ; les entorses que l’on fait si souvent à notre conscience, croyant à tort que ce qui ne se voit pas vaut moins que ce qui se sait.
Or, le bonheur, c’est une conscience pure.
C’est l’alignement profond entre qui nous sommes, les actions que nous posons, les choix que nous faisons, les sentiments qui nous animent, et la raison qui nous pousse.
Et cet alignement n’est possible que lorsque l’on accepte le vrai, c’est-à-dire, le réel dans toute sa dimension.
Dans ce qu’il dit de positif, mais de négatif également.

Nous vivons souvent dans l’illusion de notre propre perfection, ce qui nous fait en attendre trop des autres et de nous-mêmes. Perte de temps : nous ne sommes jamais à la hauteur de cette perfection fantasmée. Certaines formes de culpabilité ne sont rien d’autre q’un orgueil déguisé, où – déception ! – nous nous apercevons que nous ne sommes pas les êtres parfaits que nous pensions, étant, nous aussi, capables de trébucher. Reconnaissant que nous sommes des êtres humains capables du meilleur comme du moins bon – voire du pire, nos échecs cessent d’être des blessures narcissiques pour devenir de simples erreurs de parcours que l’on peut réparer plutôt que de se lamenter sur une image de soi brisée.

« Si je me trompe, j’existe », disait encore Saint Augustin d’Hippone ; tant que l’on vit, on peut évoluer, ce qui nous condamne à l’imperfection ; car qu’est-ce que la perfection, sinon l’atteinte d’un état stable et sans mouvement ? C’est Dieu dans l’absolu, mais c’est aussi la mort. Oui, la perfection telle que nous la fantasmons , c’est la mort ; tant que nous serons vivants, nous échouerons. Puis nous nous relèverons. Et nous échouerons de nouveau. Nous apprendrons. Et c’est ok. Notre valeur humaine n’est pas une question de performance. 

Si nous sommes aimés, ce n’est pas pour une perfection de façade. 

Si nous sommes haïs, ce n’est pas pour nos défauts. 

Il faut le comprendre pour être heureux : nous sommes responsables de qui nous sommes, pas de ce que les autres voient en nous ; et notre valeur n’est pas définie par le nombre de gens qui nous admirent, mais par le simple fait que nous existions. Il y a, en chaque être humain, un univers Infini nommé pensée. 

La quête de vérité et le besoin d’unité passent également par une lucidité quant au monde extérieur : impossible de s’en détacher. La positivité toxique voudrait que l’on soit heureux quoi qu’il arrive ; c’est impossible. Si le bonheur est la quête de vérité et l’acceptation du réel, c’est nécessairement l’accueil de la souffrance, car elle fait partie de la vie. Le Nirvana n’est rien d’autre qu’un fantasme ; une vie dépourvue de souffrance n’existe pas et n’est pas même souhaitable, car si terrible qu’elle soit, elle est un temps de construction. Toute souffrance a le pouvoir merveilleux de transformer un mal en bien

Le bonheur, ce n’est pas d’être heureux tout le temps, c’est d’adapter son esprit au monde qui bouge et d’y trouver la paix.

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#3 Aimer gratuitement

L’individualisme est à la mode ; l’individualisme tue les hommes. 

Il est l’égoïsme glorifié, le narcissisme promu. 

Personne n’est heureux seul. De quoi servent toutes les richesses du monde et les expériences euphorisantes sans l’amour ?  Sans L’Amour sincère, celui qui n’a pas de chronomètre ni de calendrier, qui est juste là, dans le présent, deux personnes qui font un don réciproque de leur attention, de leur temps, de leur écoute, de l’instant qu’elles vivent … ?

Nous ne sommes pas des objets ; nous ne sommes pas des produits marketing dont il faut optimiser les fonctionnalités pour les vendre.
Nous sommes des personnes aimantes et à aimer. 

C’est l’Amour qui rend heureux. Les discussions profondes avec un ami tard le soir à la terrasse d’un café ; l’inconnu local rencontré à l’autre bout du monde, qu’on ne reverra jamais, mais à qui l’on a donné des mots et des minutes qui jamais ne reviendront ; cette personne que l’on regarde avec compassion parce qu’elle pleure dans le métro, ce vendeur à qui l’on fait un sourire sincère parce qu’au-delà de la fonction, il y a un être humain dont la valeur est infinie.
Celui qu’on donne, celui qu’on reçoit. On ne s’épanouit que dans l’autre ; il n’est pas un moyen, il est une fin.

L’Amour est gratuit, non méritoire, ce n’est ni un rapport marchand, ni échange de bon procédés. C’est ce qu’il y a de plus vrai, et de plus pur ; voici pourquoi seul l’Amour rend l’humain heureux, car il tire son bonheur de l’esprit et de ce qui l’élève. Et pas besoin de conditions particulières pour aimer, d’aller à l’autre bout du monde ou d’avoir beaucoup d’argent. Il suffit de le vouloir, car vouloir aimer, c’est déjà aimer.

En parlant de clés vers le bonheur, certains auraient sûrement préféré une recette de cuisine. La vérité, c’est qu’il n’y en pas. Le bonheur n’est pas une recette de cookies. C’est un chemin, pas un but. Celui de l’acceptation de soi, des autres ; de la conscience tranquille, de la paix intérieure.
Investissons notre bonheur dans tout ce qui nous appartient déjà et que personne ne pourra jamais vous voler : notre esprit. Tout ce qui est matériel peut-être détruit, mais les choses de l’esprit, elles, sont éternelles. 

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