Surmonter une rupture

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« Je suis effondrée, perdue. Je ne sais plus ce qu’est le quotidien sans lui. J’ai perdu tous mes repères ; je dois réapprendre à vivre, mais je n’ai pas envie de le faire. Play. Pause. Rembobine ; je me refais le film. Qu’est-ce que j’aurais pu faire pour éviter ça ? Je culpabilise. J’ai honte. Je suis en colère. Triste. Je pleure. Je reprends espoir. Je regrette. J’ai peur. Et si je ne m’en remets pas ? Et si mes futures relations n’égalent pas notre histoire ? Et s’il me remplace, et s’il m’oublie ? Qui suis-je, moi, sans celui qui me complète ? Si je ne suis plus la moitié de notre tout, alors je suis la moitié d’un rien ; inutile.»

La séparation amoureuse est source de profonde détresse, tant et si bien qu’elle est souvent accélératrice de dépression. Elle bouleverse, chamboule, transperce. Des sentiments contradictoires se bousculent, des émotions désagréables se concentrent. La rupture est un choc. Aussi, que l’on soit celui qui quitte ou qui est quitté, un processus de deuil est nécessaire. La vie change, les habitudes aussi, et il faut que le psychisme intègre ces mutations, se réadapte. Ainsi, du choc initial au recouvrement d’un équilibre intérieur, le deuil se vit en 4 étapes qui intègrent des états émotionnels et comportements spécifiques. 

La rupture, ses douleurs physiques, ses blessures psychiques et les cheminements qui l’accompagnent : aujourd’hui, explorons la séparation amoureuse et la reconstruction sentimentale.

Sommaire

Les 4 phases du deuil amoureux

Les étapes du deuil amoureux ont souvent été assimilées à celles liées à un décès.
Si chaque histoire est unique et chaque deuil personnel, 4 grandes étapes définissent le processus du deuil amoureux. Chacune s’accompagne d’émotions spécifiques, de leçons à tirer, de dangers à éviter. Identifier la phase dans laquelle on se trouve permet de reprendre espoir et d’inscrire sans souffrance dans une réalité, de se projeter au-delà de la douleur présente, et de se disposer à vivre les étapes suivantes.

L’épreuve du choc
“Je ne t’aime plus”. 
Le cœur lâche d’un coup, le monde s’effondre. Ça fait mal, c’est physique ; ces mots sont terribles à entendre, même si c’était prévisible ou qu’on n’était plus sûr(e) de nos sentiments non plus. L’annonce de la séparation entraîne une modification profonde du quotidien. La routine, confortable et sécuritaire, disparaît. Les conséquences de la séparation se dessinent en cascade, sans qu’il soit nécessaire d’y penser ; c’est l’inconscient lui-même qui le sait, c’est l’esprit qui les scanne en une fraction de secondes. Le choc est tel que pour certains, il se compare à un accident ; en soi, c’est ce que c’est, un accident de la vie. 
Avec le choc, on est engourdi émotionnellement ; on ressent tant de choses qu’on ne ressent rien. 

C’est là que le déni s’installe, et qu’il peut durer si on manque de vigilance. 

Le déni, l’évitement 
Le déni s’installe car la réalité semble insurmontable. On se créer une réalité parallèle sur laquelle on a encore le contrôle. Dans cette étape, chercher l’autre ou l’éviter est une obsession ; en d’autres termes, l’ex continue d’être le centre de notre vie. Dans le cas de la recherche, il est moralement présent et on poursuit sa présence physique; dans le cas de l’évitement, on nie son existence même. 
Voici ce qu’il faut savoir : se raccrocher à tout prix à des hypothèses ou des vérités cachées sur les réelles raisons de la rupture est vain. L’autre est libre : il fait ses propres choix. Aller à l’encontre de ceux-ci, c’est espérer le priver de sa liberté ; or, l’amour sans liberté n’existe pas. C’est précisément par amour qu’il faut laisser à son ex le droit de poser ses choix même s’ils sont douloureux pour nous. 

Il faut donc écouter ce que l’autre dit et le croire tel qu’il le dit ; ne pas chercher de double langage qui servirait nos aspirations. 

La dépression
Plus la réalité de la rupture s’intègre, plus les émotions submergent. Après l’impuissance, la colère contre l’autre et la vie, la culpabilité contre soi, on entre en phase de tristesse profonde : la vérité reprend enfin sa place, et c’est violent. 
C’est le lit qui rappelle que l’autre n’est plus là ; ce sont les lieux marqués de son absence. Les musiques qui nous rappellent un moment à deux, une odeur qui ravive le souvenir de la sienne. On renonce à soi, en un sens. On s’isole, on ne veut plus rien, sinon ce que l’on n’a plus. On se complaît dans la tristesse qu’on alimente dès que possible ; on aime se faire du mal. C’est obsédant, c’est douloureux… Mais c’est normal. 

Cette phase est celle qui nécessite le plus d’attention de la part de l’entourage, qui doit trouver sa juste place. Elle doit être vécue sainement, c’est à dire, ne pas être perçue comme une punition, mais comme une épreuve de la vie, une leçon à tirer, une expérience dont il faut à présent s’affranchir. 

La reconstruction
Vient le jour où l’on sent qu’on n’a plus rien à pleurer, qu’on ne veut plus de la souffrance. On comprend que depuis des mois, on court après une illusion, qu’on s’accroche à une histoire qui appartient déjà au passé, qu’on voulait se saisir d’une vapeur. 
Alors c’est le grand moment, celui de la prise de conscience. À présent, il faut regarder devant, reprendre le cours de sa vie -voire, la réinventer. L’espoir renaît : la rupture ne nous a pas renvoyé au point de départ, elle nous a laissée avec des traces de l’autre et nous avons changés, nous avons grandi, appris. On est en paix avec les questions sans réponses – d’ailleurs, ces questions ne nous intéressent plus tant que ça. 

On s’en pose, mais de nouvelles, centrées sur nous, notre avenir. 

Les douleurs de la rupture

Pour mieux comprendre ce qu’il se passe en soi lors d’une rupture, il faut savoir qu’une séparation impact trois dimensions de l’être : les émotions, le corps et l’esprit. Ces trois manifestations sont mises en exergue par Guy Winch, un psychologue américain, dans une tribune écrite pour Psychology Today.

La douleur émotionnelle
Intense, presque autant qu’une douleur physique, la rupture est une blessure qui déchire l’âme. Elle brise les assises narcissiques, détruit la sécurité intérieure ; qui suis-je ? Suis-je encore ? Quelle est ma valeur ? La culpabilité, la honte, la peur, la colère et la tristesse se mélangent ; la nostalgie s’installe, sublime une histoire qui n’était pas si belle, met sur un piédestal celui qui nous manque ; en somme, la rupture transforme le souvenir du passé pour alimenter toujours plus la tristesse. C’est la perte de désir et de plaisir, l’alexithymie, l’anesthésie sensorielle et affective.
La séparation amoureuse est violente, elle ravage.
Parce qu’elle constitue une expérience forte pour le sujet, elle transforme profondément son appréhension du monde. Résultat : ses relations existantes sont chamboulées, et celles à mettre en place sont baisées, puisque c’est en elles que se révèlent les véritables séquelles du trauma. Un bouleversement émotionnel qui conduit à des comportements ambivalents, le deux plus communs étant le “rien”, et le “tout”.

Dans le cas du “rien”, le blessé se réfugie dans le célibat. Il rejette l’amour pour rejeter la souffrance qu’il lui associe. C’est insidieux, car bien souvent, il le fait sous couvert d’indépendance, de légèreté, d’envie de “profiter”. Lui-même y croit ; après avoir sombré dans la douleur, il se noie dans le déni.
Dans le cas du “tout”, il binge date, enchaîne les histoires qu’il est incapable de vivre au-delà de l’idéalisation de son partenaire. La lune de miel achevée, sa blessure, encore béante, l’entraîne à faire souffrir son partenaire. Une autre forme de déni, mais plus souvent consciente que dans le “rien”.

La souffrance physique et cognitive
L’expérience le prouvait, aujourd’hui, la science le montre : la rupture génère une réaction physique. Le syndrome du cœur brisé est le nom poétique donné aux répercussions cardiovasculaires de la rupture, mais n’est pas le seul effet sur le corps.
Les symptômes d’une rupture amoureuse seraient les mêmes que ceux activés lorsque les toxicomanes se sèvrent de substances comme la cocaïne et les opioïdes, et se sevrer de l’autre et de notre histoire vient avec son lot de difficultés : troubles de la concentration, réflexion, mémoire…
Puisque la séparation amoureuse peut être d’une violence telle qu’elle génère une dépression réactionnelle, elle engage également des symptômes physiques tels que des troubles du sommeil et de l’alimentation, une altération de la temporalité ou un ralentissement psychomoteur. La peau à vif, les sens en bataille, le corps amaigri ou gonflé, le visage boursouflé de trop avoir pleuré, les cernes creusés de ne pas avoir dormi ; la rupture défigure, aussi.

La souffrance spirituelle
La violence post-rupture n’en serait pas une si elle ne s’accompagnait pas de pensées intrusives, parasites. Des ruminations aux pensées suicidaires, l’esprit forme des images mentales qu’il balance constamment, des bribes de conversation et souvenirs refont surface sans crier gare et ravivent toujours la douleur émotionnelle qui les accompagne.
La souffrance de l’esprit serait donc le catalyseur des trois douleurs : les pensées intrusives rouvrent les blessures émotionnelles et réactivent les symptômes de sevrage, donc la douleur physique.

Les mauvais réflexes d'une rupture

Se voiler la face
Plusieurs phases du deuil s’accompagnent de comportements irréalistes ou insensés ; on rejette la rupture et on agit comme si elle n’existait pas. On n’accepte pas la situation, alors on se convainc qu’elle n’est pas réelle, ou qu’elle s’explique par une autre réalité, cachée.
Il faut absolument sortir de ce mensonge que l’on se raconte à soi : la rupture est notre réalité, il faut l’accepter. Évidemment, la relation peut-être reprise dans certains cas, mais ils sont minoritaires et concernent souvent les couples séparés par des circonstances exceptionnelles. Lorsqu’on s’est quittés parce qu’on ne s’entendait plus ou parce que l’autre nous a blessé profondément, les essais ultérieurs sont, le plus souvent, vains. L’expérience le démontre quasi infailliblement : combien de fois t’es, tu remis(e) avec ton ex ? Combien de fois vous êtes-vous séparés de nouveau ? Combien de couples connais-tu qui se quittent et se réconcilient régulièrement ?

L’obsession de l’autre
Surtout, il faut oublier le “on reste amis” qui permet de garder un pied dans la vie de l’autre, de s’assurer qu’on ne sera pas remplacé. Il faut se laisser le temps de guérir pour pouvoir envisager l’amitié et ne pas l’utiliser comme un prétexte pour nourrir l’illusion d’un retour. On oublie le stalking sur les réseaux sociaux qui permettent un visuel instantané et un droit de regard sur la vie de l’autre. On pacifie son rapport à son ex, abandonnant les projets de vengeance qui maintiennent un lien émotionnel et empêchent le deuil. Vouloir faire mal quand on nous a blessé, c’est un réflexe humain, mais aussi enfantin. Alors on prend sur soi comme l’adulte qu’on est, et on travail à se libérer de toute rancœur. On stoppe les pensées parasites – qui sont des questions, essentiellement : et s’il m’aimait encore, mais que (insérer ici n’importe quel argument qui justifie la rupture par autre chose que l’explication officielle) ? Et s’il m’oublie ? Et s’il me remplace ? En bref : et s’il arrête de m’aimer, et que c’est vraiment fini, que je n’ai plus de raison d’espérer ? Il faut comprendre que ce type d’interrogations nous handicape, nous empêche de croire qu’on puisse être aimé(e) d’un(e) autre que son ex, et qu’on puisse soi-même aimer un(e) autre. Comme si on avait peur de rester enchaîné(e), alors que l’autre s’est libéré(e).

Survivre à une rupture

rer ses émotions
Lorsqu’on est submergés d’émotions négatives, la tentation est de les éviter.
On multiplie les activités pour se changer les idées, on s’occupe sans cesse pour ne pas penser ; on trompe la souffrance, et c’est une mauvaise idée. Les émotions sont là pour nous aider, il faut les vivre comme telle et ne pas les voir comme des tyrans dont l’objectif est de rendre notre vie insupportable.
Nous sommes à l’ère du développement personnel, du bien-être souverain où la souffrance effraie, même lorsqu’elle est saine et naturelle. Avoir mal lorsqu’une histoire se termine, c’est normal ; éviter cette souffrance, la masquer pour prétendre qu’elle n’existe pas, non. Nous sommes des êtres intelligents, nous avons une vie intérieure, il se passe des choses en nous ; refuser ces choses, c’est rétrograder notre nature même d’humains ! Nier qu’on a mal peut nous tromper un temps, mais ne changera pas notre essence profonde : tôt ou tard, ce deuil non-fait refera surface.
La souffrance fait partie de la vie, et pour la gérer, il faut lui donner un sens, mais pour se faire, encore faut-il accueillir ses émotions désagréables : s’autoriser à les exprimer, les verbaliser ou les écrire. Faire un point régulièrement peut-être encourageant et permet de s’y connecter : « Qu’est-ce que je ressens quand je pense à lui/elle ?”, « Comment est-ce que je me sens ? ».

Trouver un équilibre
Bien gérer sa rupture est un jeu d’équilibriste : il faut sortir et rencontrer des personnes, mais pas se noyer dans les mondanités pour “oublier”. Il faut rencontrer de nouvelles personnes sans pour autant zapper ceux que nous connaissons, il faut s’ouvrir à de nouvelles relations sans se jeter à corps perdu dans une nouvelle histoire qu’on n’est pas prêts à vivre.
Il faut doser.
Le secret ? Garder contact avec le réel, car c’est en lui que se trouve véritablement l’espoir – et non pas dans nos vaines illusions. Il faut garder dans un coin de son intelligence cette grande vérité : oui, ça fait mal, mais ça ira mieux, et si aujourd’hui, tout semble exacerbé et que la douleur paraît insurmontable, un jour, elle s’arrêtera.

Embrasser la réalité 
Le déni est l’une des pires tortures que l’humain puisse s’infliger ; exister dans l’illusion condamne à une chute violente.
L’acceptation des émotions se fait à l’intérieur de soi, mais peut s’accompagner d’actions très concrètes. Prendre soin de soi en changeant de coiffure, commencer un nouveau sport ; marquer le changement en changeant sa déco -voire, même, son logement entier. Ecrire une lettre à son ex, sans l’envoyer nécessairement, en y voyant une forme de rituel, une façon de sceller le livre. Faire le ménage dans sa tête, mais aussi chez soi : se débarrasser de tout ce qui rappelle la relation, au moins dans un premier temps. S’éloigner des groupes sociaux qui maintiennent dans l’histoire passée, construire de nouveaux projets, s’enthousiasmer pour de nouvelles aventures …
Le deuil amoureux est aussi l’occasion de faire le point sur soi-même, d’autant que parfois, les explications quant à la rupture ne viendront pas de l’autre.
Par où commencer ? Par retracer l’histoire dans ses faits : la rencontre, les aspects positifs et négatifs, les évènements marquants de la relation, les causes de la rupture. C’est l’occasion de se rendre compte de nos propres erreurs ou défauts ; les drapeaux rouges dont on n’a pas tenu compte, les remarques qu’on n’a pas voulu écouter. C’est aussi l’opportunité de sortir de la répétition amoureuse en identifiant les points communs de nos différentes relations, car bien souvent, nos histoires et nos ruptures se suivent et se ressemblent. Dans nos choix de partenaires, dans les histoires que nous vivons, quels sont les schémas (croyances par défauts accompagnant nos comportements) dans lesquels nous sommes inscrits ?
La méfiance : que les gens trahissent et déçoivent ? L’imperfection : les autres ne peuvent pas voir qui je suis vraiment sinon ils ne m’aimeront pas ? La dépendance : je ne peux pas me débrouiller seul(e) ? La carence affective : personne ne pourra jamais m’aimer ?
En bref, on tire une leçon de nos expériences, pour améliorer ses relations futures, et s’élever.

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